Camouflages urbains
Liu Bolin

1er février – 30 mars 2013

A l'heure où sa capacité à la visibilité peut être évaluée comme œuvre d'art, à l'heure où l'artiste chinois Ai Weiwei est passé maître dans cette manipulation politique, celle de l'hyper transparence comme preuve de résistance à un état qui se veut totalitaire et contrôlant tout, nous exposons le travail d'un autre artiste chinois, Liu Bolin, qui fait le choix de l'image de la disparition et de sa mise en scène.

Liu Bolin dit « l'idéologie fut écrite, puis elle a été effacée puis réécrite, et de nouveau effacée. »
Ainsi, l'individu se perd. Il doit oublier tout de sa culture, de son savoir, de son passé, être vierge à un nouveau régime, neuf face à de nouvelles propositions …

Le travail de Liu Bolin se fait en deux temps. Celui de la visibilité, de la mise en scène de l'individu. C'est une performance, un spectacle. Il se « fait peindre » à l'image de son environnement quel qu'il soit (lieux de consommation, de patrimoine, de nature, de tourisme, de culture …). Le dispositif est visible, public. Il se met en spectacle, se fait voir. C'est le temps de la réalisation du dispositif de l'œuvre.
Le deuxième temps est celui de l'œuvre proprement dite : la photographie, en série limitée. C'est donc une exposition de photographie à laquelle nous sommes conviés. Et sur chaque image, la disparition de l'individu dans son environnement, sa fusion avec ce qui l'entoure. Il disparaît, il n'est pas. Ne bouge pas, n'apparaît pas, n'a pas de traits particuliers, de signes distinctifs … Il n'est presque plus là, tout entier happé par le monde qui l'entoure, l'englobe, l'engloutit. Il semble disparaître dans un système qu'il soit politique ou de consommation, toutes « croyances » sont ici renvoyées dos-à-dos.

Passé le moment du jeu « mais où est-il ? », la photographie, ici métaphore d'une dangereuse attitude au monde, celle du divertissement avant toute chose, devient un miroir angoissant, notre reflet disparu dans le tout du monde contemporain.


Sylvie Corroler

En partenariat avec le festival Made in Asia (facebook)
site internet de Made in Asia

 

Liu Bolin expose aussi à la galerie Paris-Beijing à Paris, du 10 janvier au 9 mars 2013


MEDIATION

Photos d'exposition : François Talairach

revue de presse

- par France 3 Midi-Pyrénées (vidéo et diaporama)

- sur Médiapart (article et vidéo)

- sur LCP, assemblée nationale (vidéo)

- Le point

- disparition sur le plateau de France 3

- dans Libération et ici aussi

- dans Le Figaro

- vu par Causette:

Un caméléon dans la ville
On s'amuse souvent à le chercher dans ses photos, mais, à l'origine, les performances mimétiques de Liu Bolin n'avaient rien de ludique. En 2005, alors que les autorités chinoises restructurent Pékin en vue d'accueillir les jeux Olympiques de 2008, l'atelier de cet artiste chinois de 40 ans est détruit, comme des centaines d'autres en banlieue. Il se met alors en scène dans les ruines de son ancien lieu de travail : sa protestation silencieuse commence. Tel un animal qui se fondrait dans le décor pour survivre, Liu Bolin se cache pour mieux s'exprimer. Arborant toujours un costume d'ouvrier chinois, il utilise la sculpture, la performance, le body painting et la photographie dans un même temps. Pour rendre compte de la libéralisation et des changements qui ébranlent la société chinoise contemporaine, l'artiste n'a de cesse de se camoufler avec minutie dans des lieux chargés de symboles et d'Histoire. Le camouflage devient paradoxalement une arme de visibilité et de contestation.

Par Delphine Henry